samedi 21 septembre 2013

Loi Duflot (ALUR) : loi pour l’accès au logement, un véritable tsunami urbanistique

La ministre du logement Cécile Duflot a présenté au nom du gouvernement socialiste le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), texte dense de 311 pages, qui modifie en profondeur les règles du logement et de l’urbanisme. Il s’agit d’un véritable tsunami urbanistique !
Ce texte, malheureusement, ne résoudra en rien la pénurie de logements que nous constatons (336 000 logements construits en un an contre 500 000 promis par F. Hollande), il risque, au contraire, d’aggraver la situation en décourageant fortement l’investissement locatif.

_Le 17 septembre 2013 lors de son examen en séance, Jacques Myard a combattu ce projet de loi et voté contre.

Jacques Myard  à l'assemblée 
L’économie de ce texte idéologique va à l’encontre de la finalité qu’il poursuit.
1° S’agissant de la réforme du logement, il bouleverse les relations entre propriétaires bailleurs et locataires, en faisant peser sur les premiers des contraintes disproportionnées :
-L’encadrement des loyers - le propriétaire devra respecter un loyer médian au m2 déterminé localement par un observatoire des loyers -, répond à la volonté de lutter contre la flambée des prix du loyer dans les zones tendues, objectif louable en soi. Mais il s’agit d’une mesure absurde, propre à décourager l’investissement locatif et à entraîner une dégradation du parc privé. De plus, son application uniforme ne bénéficiera pas aux foyers ciblés : les plus modestes pourraient voir leur loyer augmenter, les plus aisés réduit. Sic !
- La création, au 1er janvier 2016, d’une garantie universelle des loyers (GUL) se substituant à la caution pour protéger les propriétaires des impayés et réduire les inégalités à l’accès au logement, donnera lieu à une taxe, payée à parité par bailleurs et locataires, comprise entre 1,5 et 2% du loyer. Ce mécanisme coûteux apparaît comme un outil inadapté (2,5% d’impayés de loyers) et un instrument majeur de déresponsabilisation des locataires.

Jacques Myard s’est mobilisé pour demander la suppression de ces mesures contre-productives.
Quant aux logements « participatifs », qui permettent à des ménages de se réunir autour du projet de construction ou d’acquisition d’un immeuble qui abritera leurs logements respectifs et des espaces partagés, on peut se demander s’ils ne préfigurent pas les phalanstères de Fourier !
Ce texte, sous prétexte de remédier à quelques abus, déséquilibre l’ensemble des rapports bailleurs locataires et les complexifie à l’excès.

2° Concernant la réforme de l’urbanisme
, le projet de loi va à rebours de l’objectif de simplification des normes administratives et affaiblit la démocratie locale en réduisant considérablement le rôle du maire dans la maîtrise de son territoire.

Ce texte prévoit de densifier fortement les villes afin de construire le plus possible ; les règles de constructibilité sont assouplies.
S’il est légitime de vouloir loger nos concitoyens, notamment les plus modestes, il faut cependant garder raison ! En effet, il ne suffit pas de construire des logements, encore faut-il que ces populations puissent se déplacer !

Or la région parisienne est au bord de la thrombose, et le pire est à venir. Il est prévu en Ile-de-France 70 000 logements par an, soit 1,4 million en 20 ans, ce qui équivaut à un surplus de population entre 4 et 5 millions.

On sait pourtant qu’il existe des dizaines de milliers de logements sociaux vacants en province. Au lieu de bétonner nos villes, il conviendrait de mettre en œuvre une politique d’aménagement du territoire ; le gouvernement socialiste lui tourne le dos !
Ce projet de loi, au-delà même de ses dispositions utopiques, est dangereux.
C’est pour dénoncer les risques de densification de l’espace et plaider en faveur du maintien de zones protégées que Jacques Myard est intervenu en séance. Il reste mobilisé pour sa discussion en seconde lecture.

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_ Vous pourrez prendre connaissance ci-dessous du compte rendu de ses interventions :

Assemblée nationale XIVe législature
Troisième session extraordinaire de 2012-2013
Compte rendu intégral
vendredi 13 septembre 2013

Accès au logement et urbanisme rénové
Projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (nos 1179, 1329, 1286).



Article 59 (aires de passage/gens du voyage)

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. J’ai bien entendu le rapporteur dire que la gestion des aires de grand passage était à l’étude.... Je voudrais revenir sur le problème des gens du voyage, qui aujourd’hui empoisonne véritablement la vie de nombreux Français. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) On peut s’inquiéter du développement de ce mode de vie, qui heurte directement les règles de l’urbanité dont il était question tout à l’heure.
Ainsi que mon collègue Tetart l’a indiqué, les grands passages imposent de créer – ce que j’ai moi-même fait – des aires d’accueil, lesquelles acquièrent en quelque sorte un statut de logement social. Or, cela révolte nombre de nos concitoyens car, dans la plupart des cas, les gens du voyage ont plus de moyens que vous et moi réunis. (Nouvelles exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Cela pose donc un problème de justice sociale. Nous sommes allés trop loin dans ce type de dispositions ; même dans les aires de grands passages, cela pose des problèmes de cohabitation et d’insertion.. En tout état de cause, nous devons réfléchir à ce développement qui me paraît franchement décalé avec la vie en société au XXIe siècle.

Article 63 (plan local d’urbanisme intercommunal)

Le Président : La parole est à Jacques Myard

M. Jacques Myard. La démocratie, c’est la proximité. Et la proximité, c’est l’élaboration d’un certain nombre de règles communes à l’ensemble d’une cité. Je suis d’accord pour dire qu’il faut souvent regarder ce qui se passe à côté et en tenir compte. C’est à mon avis le rôle du préfet, qui va dire : « Vous n’allez pas construire deux piscines si vous en avez déjà tout autour. »
Madame le ministre, vous avez parlé de mutualisation : nous sommes au cœur de la respectabilité et de l’autorité du maire par rapport à ses concitoyens. C’est la possibilité d’établir des règles d’urbanisme, c’est la possibilité de délivrer des permis de construire, c’est la possibilité d’organiser la vie résidentielle comme l’entend une commune.
Vous êtes en train d’organiser la seconde mort de M. Defferre : il avait justement donné aux communes cette possibilité, c’était même le cœur de la décentralisation. Aujourd’hui, vous êtes en train de recentraliser, que vous le vouliez ou non, au niveau des métropoles, puisque, dans un certain nombre de cas, cette compétence donnée à l’intercommunalité va se retrouver dans des métropoles de 200 000 habitants : vous aggravez encore la distance entre l’élaboration de la règle et la population.
Vous portez une grande responsabilité. Comme l’a dit notre collègue Poisson, si c’est quelque chose de voulu, applaudissements des deux mains ! Si c’est imposé, vous allez dans le mur, car vous allez susciter la colère des populations, qui vont voir s’évaporer la possibilité de mieux contrôler les règles d’urbanisme. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est la raison pour laquelle je demande la suppression de cet article 63 qui détricote la décentralisation, le pouvoir des maires et la démocratie de proximité. (« Très bien ! » et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe  UMP.)


M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. La caricature, monsieur de Rugy, ne permet jamais de fournir une explication valable à même d’emporter les convictions. Car c’est d’un technocrate écologiste que d’oser prétendre qu’un égoïsme municipal empêcherait les gens de s’entendre En fait, madame la ministre, ce texte est bancal. Personne, ici, ne s’oppose aux intercommunalités là où elles existent et où elles sont nécessaires. Lorsque le besoin est réel, les « intercos » s’organisent naturellement. Vous, en revanche, vous défendez un technocratisme dogmatique uniformisateur contre la diversité existante ! Le droit que vous écrivez aujourd’hui, c’est du droit à la soviétique et rien d’autre ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous témoignez d’un dogmatisme technocratique tout droit sorti des conceptions qui règnent au sein de votre ministère depuis des décennies, et rien d’autre ! Que vous le vouliez ou non, entre ce dogmatisme, où tout le monde doit se plier à un modèle d’« interco », et la liberté de choix que nous défendons, c’est nous qui sommes du côté du réel !

Article 73
(modification des règles mises en place par le PLU – COS, superficies minimales constructibles...)

La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l’amendement no 708.

M. Jacques Myard. Il est nécessaire de construire, nous sommes tous d’accord, mais pas n’importe comment. Il existe, madame la ministre, des zones, au sein des villes, qui sont des sites protégés, au titre de la loi de 1913 ou de celle du 2 mai 1930. Ces zones ont été protégées, parfois très difficilement, contre les promoteurs grâce à des règles assez strictes, qu’il s’agisse du coefficient des sols ou des prescriptions relatives à la taille minimale des terrains. Je pourrais vous en citer pas mal dans l’ouest parisien. Ces zones ne sont pas des zones de riches, de bourgeois, mais des zones dans lesquelles l’ensemble des personnes vivant dans le voisinage prennent plaisir à se promener. Ces zones appartiennent à notre patrimoine. Nous n’en sommes que les usufruitiers et nous devons les transmettre.
Or, en supprimant les coefficients d’occupation des sols et les prescriptions relatives à la taille minimale des terrains, il deviendra difficile de protéger ces zones contre la densification. Les propriétaires ne résisteront pas à la tentation de faire de bonnes affaires puisque, là où il y avait une maison, il sera désormais possible d’en construire trois ou quatre, et les promoteurs poussent à la roue. Il est évident que le danger est sérieux.
Vous êtes, je le sais, extrêmement sensible à l’écologie, aussi vous appellerai-je à faire bien attention. En supprimant, à l’article 73, du coefficient d’occupation des sols et des prescriptions relatives à la taille minimale des terrains, vous prenez le risque de fragiliser certaines zones d’urbanisme véritablement dignes d’intérêt et qui, bien que résidentielles, appartiennent, bien plus qu’aux propriétaires, à l’ensemble des Français.
Je vous propose par conséquent de rétablir à titre dérogatoire un coefficient d’occupation des sols ainsi que des tailles minimales de constructibilité des terrains dans ces zones protégées au titre des sites. Réfléchissez bien à ma proposition car je crains fort que votre texte dont l’objectif, vous venez de le confirmer à Mme Abeille, est de densifier l’habitat, n’ouvre la voie au bétonnage, qui est une tendance actuelle. Moi-même, dans certaines zones de notre ville, j’ai dû supprimer les COS et la taille minimale des surfaces constructibles. Pour autant, il demeure des zones où des règles strictes doivent être maintenues pour que la densification n’en vienne pas à casser nos villes.

Le Président : quel est l'avis de la commission ?

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure.
Nonobstant l’argumentation précise de M. Jacques Myard, la commission a rendu un avis défavorable, en particulier parce que l’amendement ne correspond pas exactement à vos propos. Vous dites vouloir rétablir le COS et la surface minimale de parcelle pour les secteurs en sites classés mais il est également mentionné dans votre amendement les « zones urbaines et à urbaniser ». C’est l’une des raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable.


M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Cécile Duflot,
ministre. Entre les discours et les actes, la traduction législative est souvent assez édifiante. Aujourd’hui, le COS et les prescriptions relatives aux surfaces minimum de parcelles sont souvent utilisés pour limiter la constructibilité mais pas du tout l’étalement urbain ni la consommation excessive d’espace. Je pourrais vous le démontrer par des milliers d’exemples.
Je disais donc que le COS et la surface minimum sont souvent des outils particulièrement néfastes pour la consommation d’espaces naturels, notamment en périphérie des zones urbaines. Ils ne permettent pas du tout de traduire la qualité urbaine, ni la densité d’ailleurs. Des espaces peuvent être très consommateurs, très peu denses et très peu agréables. J’allais justement vous parler, quand vous m’avez interrompue, de ces exemples, que j’ai déjà cités, de densification pour vous prouver que la qualité urbaine d’une ville densifiée pouvait être supérieure à celle de villes peu denses mais pas du tout agréables à vivre pour leurs habitants. C’est bien la question de la qualité de la ville, de l’urbanisation, qui est ici posée. La prescription relative à la superficie minimale peut être remplacée par une disposition générale qui précise que la superficie de la parcelle doit être suffisante pour permettre la réalisation d’un dispositif d’assainissement non collectif réglementaire – seul argument que vous n’avez pas énoncé, mais qui figure, je crois, dans l’exposé des motifs, et qui pourrait être retenu.
Ces deux éléments, la suppression du COS et des surfaces minimums de parcelle, sont des éléments positifs en faveur de la qualité de la ville et de la lutte contre la consommation excessive d’espaces naturels. Vos objectifs sont en contradiction avec les moyens que vous proposez. Je reconnais cependant que cet argument est souvent utilisé pour préserver l’espace naturel alors qu’il n’aboutit qu’à une seule conséquence, sa surconsommation. Nous le constatons en tout cas depuis des années. Si le COS et la surface minimum étaient une réponse à la surconsommation de l’espace, nous l’aurions su puisqu’ils existent depuis des années et sont prévus dans la majorité des PLU. Ce n’est pas le cas. Je vous invite par conséquent à rejeter cet amendement.

M. Jacques Myard
. Vos arguments tombent à plat. Je reconnais que l’on peut améliorer la rédaction de cet amendement mais je ne vous parle pas véritablement de zones à urbaniser. Nous avons plutôt en tête des zones qui existent déjà, en site inscrit, sur lesquelles ont été construites des maisons anciennes avec un certain type d’architecture. Si vous faites sauter ces verrous, je peux vous garantir que les promoteurs immobiliers se saisiront de l’occasion ! J’ai déjà reçu personnellement des promoteurs dans mon bureau qui voulaient que je change le COS pour construire. Tout le monde sait que le COS est un frein à la densification excessive sur ces zones qui sont un véritable patrimoine, qu’il s’agisse du Lys de Chantilly, du parc de Maisons-Laffitte, du Vésinet. Si vous supprimez les prescriptions relatives à la taille minimale et le COS, vous courez à la catastrophe. Je vous le dis comme je le pense ! Ce n’est pas simplement avec des prospects que vous allez y arriver. Il est très difficile de poser des règles générales de prospects qui éviteront une surdensification car aucune des parcelles ne sont vraiment rectangulaires ou quadrilatères, elles sont toutes biscornues. Vous êtes en train de mettre en l’air le bâti historique de ces sites !

Je vous demande, madame, de profiter de la navette pour vous pencher à nouveau sur cette question qui n’est pas théorique. J’ai, dans ma ville, des zones où le COS n’est pas appliqué et je règle le problème de la constructibilité en fonction des critères que vous voulez imposer partout mais il demeure que la surface minimale des terrains et le COS sont des verrous indispensables qui évitent que ne soient massacrées des zones résidentielles existantes et classées.
(L’amendement no 708 n’est pas adopté.)

M. Jacques Myard. On y reviendra !
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JJA