lundi 13 janvier 2014

Union Européenne, traité de Maastricht - Philippe Seguin un visionnaire

Le 5 mai 1992, discours musclé, prophétique du visionnaire et souverainiste Philippe Séguin à la tribune de l’Assemblée nationale lors du traité de Maastricht.
Photo de rfI.fr

Phillippe Seguin -Photo  rfI Monsieur le président, messieurs, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais croire que nous sommes tous d’accord au moins sur un point : l’exceptionnelle importance, l’importance fondamentale du choix auquel nous sommes confrontés, et je n’ai pas l’impression de me payer de mots.

C’est en tout cas avec gravité que je viens inviter cette assemblée à opposer l’exception d’irrecevabilité au projet de loi constitutionnelle que le Gouvernement nous présente comme préalable à la ratification des accords de Maastricht négociés le 10 décembre 1991 par les chefs d’État et de gouvernement des pays membres des communautés européennes et signés le 7 février dernier

Extraits triés et essentiels du long discours de Philippe Seguin


Le Projet de loi Viole la souveraineté nationale qui appartient au Peuple

Cette irrecevabilité se fonde sur le fait que le projet de loi viole, de façon flagrante, le principe suivant lequel la souveraineté nationale est inaliénable et imprescriptible,

« La souveraineté nationale appartient au peuple », il ne fait que reconnaître le pacte originel qui est, depuis plus de deux cents ans, le fondement de notre État de droit.

La construction européenne se fait sans les peuples

Non, foin d’arguties ! Il me faut dire avec beaucoup d’autres, au nom de beaucoup d’autres, qu’il est bien temps de saisir notre peuple de la question européenne. Car voilà maintenant trente-cinq ans que le traité de Rome a été signé et que d’Acte unique en règlements, de règlements en directives, de directives en jurisprudences, la construction européenne se fait sans les peuples, qu’elle se fait en catimini, qu’elle se fait dans le secret des cabinets, dans la pénombre des commissions, dans le clair-obscur des cours de justice. [Applaudissements]

Voilà trente-cinq ans que toute une oligarchie d’experts, de juges, de fonctionnaires, de gouvernants prend, au nom des peuples, sans en avoir reçu mandat des décisions dont une formidable conspiration du silence dissimule les enjeux et minimise les conséquences.

La logique de Maastricht est un fédéralisme au rabais anti-démocratique

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, que l’on ne s’y trompe pas la logique du processus de l’engrenage économique et politique mis au point à Maastricht est celle d’un fédéralisme au rabais fondamentalement anti-démocratique, faussement libéral, résolument technocratique. L’Europe qu’on nous propose n’est ni libre, ni juste, ni efficace.

Abandons un à un des attributs de la souveraineté sans jamais convenir à la détruire

La méthode est habile. En présentant chaque abandon parcellaire comme n’étant pas en soi décisif, on peut se permettre d’abandonner un à un les attributs de la souveraineté sans jamais convenir qu’on vise à la détruire dans son ensemble.

Un peuple souverain est libre

Un peuple souverain n’a de comptes à ne rendre à personne et n’a, vis-à-vis des autres, que les devoirs et les obligations qu’il choisit librement de s’imposer à lui-même.

Le traité de Maastricht interdit aux parlement nationaux et aux gouvernement de faire prévaloir l’intérêt national

En fait, ce traité est un « anti-compromis » de Luxembourg en tant qu’il interdit, non seulement aux parlements nationaux mais aussi aux gouvernements, de faire prévaloir l’intérêt national quand il est en cause puisque chacun s’engage à éviter autant que possible d’empêcher qu’il y ait unanimité lorsqu’une majorité qualifiée est favorable à la décision.

Cela est vrai pour la politique monétaire et pour la politique sociale. Mais cela sera aussi pour la politique étran­gère et la politique de défense. D’ailleurs, vous nous l’avez rappelé, monsieur le ministre, les pays membres prennent eux-mêmes l’engagement de ne défendre que des positions communes au sein des organisations internationales, et cet engagement vaut aussi pour la France et le Royaume-Uni en leur qualité de membres permanents du Conseil de sécurité de l’O.N.U.

Rien de nouveau dans les arrière- pensées, mais

Évidemment, et aujourd’hui encore, on s’échine à nous persuader qu’il n’y a là rien de nouveau. Rien de nouveau peut-être dans les arrière-pensées, mais nouveauté radicale par rapport aux engagements que nous avions pris jusqu’ici et qui étaient d’une tout autre nature.

80 pour 100 de notre droit interne sera d’origine communautaire

Bientôt, pourtant, comme nous l’annonce M. Delors, au moins 80 p. 100 de notre droit interne sera d’origine communautaire, et le juge ne laissera plus d’autre choix au législateur que le tout ou rien : se soumettre totalement ou bien dénoncer unilatéralement et en bloc des traités qui sont de plus en plus contraignants

Attention ! Les sentiments nationaux étouffés pourront amener l’Europe dans de graves difficultés

Craignons alors que, pour finir, les sentiments nationaux, à force d’être étouffés ne s’exacerbent jusqu’à se muer en nationalismes et ne conduisent l’Europe, une fois encore, au bord de graves difficultés, car rien n’est plus dangereux qu’une nation trop longtemps frustrée de la souveraineté par laquelle s’exprime sa liberté, c’est-à-dire son droit imprescriptible à choisir son destin. [Applaudissements.]

Questions trop technique, ne pouvant être abordées lors d’un débat public, électeurs incompétents

Alors bien sûr, on peut toujours prétendre — on commence à le faire çà et là — que la question est beaucoup trop technique pour être valablement abordée lors d’un débat public, dans un climat passionnel, à un moment de la conjoncture qui ne s’y prête pas et devant des électeurs dont il est avantageux de postuler l’incompétence

Le pouvoir des peuples enlevé et donné aux technocrates

Le pouvoir qu’on enlève au peuple, aucun autre peuple ni aucune réunion de peuples n’en hérite. Ce sont des technocrates désignés et contrôlés encore moins démocratiquement qu’auparavant qui en bénéficient et le déficit démocratique, tare originelle de la construction européenne, s’en trouve aggravé. [Applaudissements.]

Nations libres et distinctes ne peuvent s’inscrire dans un état fédéral

Soyons lucides, il n’y a aucune place pour des nations vraiment libres dans un État fédéral. Il n’y a jamais eu de place pour des nations réellement distinctes dans aucun État fédéral. Libre à certains de caresser l’illusion qu’il s’agit de créer une nation des nations : c’est là une contradiction dans les termes et rien de plus. Convenons plutôt qu’il y a quelque ironie à proposer à nos vieilles nations le fédéralisme comme idéal, au moment même où toutes les fédérations de nationalités sont en train de déboucher sur l’échec.

De Gaulle : Démocratie et souveraineté nationale se confondent

De Gaulle disait : « La démocratie pour moi se confond exactement avec la souveraineté nationale. » On ne saurait mieux souligner que pour qu’il y ait une démocratie il faut qu’existe un sentiment d’appartenance communautaire suffi­samment puissant pour entraîner la minorité à accepter la loi de la majorité !

Un traité ne peut créer une nouvelle citoyenneté.

Curieuse citoyenneté d’ailleurs que celle dont on nous parle, parée de droits, mais exempte de devoirs !

Le droit de vote exprime ainsi une adhésion très forte sans laquelle il n’a aucun sens. On ne vote pas dans un pays simplement parce qu’on y habite, mais parce que l’on veut partager ses valeurs et son destin. [Applaudissements.] L’obstacle à la citoyenneté européenne n’est donc pas tant constitutionnel que moral

Préserver la souveraineté de la France, elle n’a pas mission à se dissoudre dans une Europe fédérale

Que peuvent d’ailleurs bien comprendre à la nation ceux qui, il y a cinquante ans, s’engageaient dans la collaboration avec les nazis pour bâtir l’ordre européen nouveau ; ceux qui, dans Paris occupé, organisaient des expositions sur la France européenne au Grand Palais, ceux qui prophétisaient qu’on parlerait de l’Allemagne et du Danemark comme on parle de la Flandre et de la Bourgogne, ou encore que dans une Europe où l’Allemagne tiendrait le rôle que l’Angleterre entendait s’arroger, ses intérêts et les nôtres se rejoindraient tôt ou tard ?

Une exception française

Une exception française qui traduit cet extraordinaire compromis que la République a réalisé chez nous, entre la nécessité de l’État et la liberté de l’individu

Quelles concessions nous seront cédées ?

On nous abandonnera notre langue, quitte à nous laisser le soin de l’abâtardir alors qu’en effet, pour tant de peuples, le français reste encore synonyme de liberté. Déjà, nous nous rallions à cette idée folle que notre langue n’est rien de plus qu’une technique de communication.

Autre concession, l’identité est déjà l’indice d’un risque majeur

On parle de l’identité lorsque l’âme est déjà en péril, lorsque l’expérience a déjà fait place à l’angoisse. On en parle lorsque les repères sont déjà perdus

La quête identitaire n’est pas une affirmation de soi. C’est le réflexe défensif de ceux qui sentent qu’ils ont déjà trop cédé. En ne nous laissant que l’identité, on ne nous concède donc pas grand-chose, en attendant de ne plus rien nous concéder du tout !

La conscience européenne ?

De même qu’il y a quelque chose comme une civilisation européenne au confluent de la volonté prométhéenne, de la chrétienté et de la liberté de l’esprit.

Elle est de l’ordre du concept et n’a à voir ni avec l’âme du peuple ni avec la solidarité charnelle de la nation. La nation française est une expérience multiséculaire. La conscience européenne est une idée qui d’ailleurs ne s’arrête pas aux frontières de la Communauté. Et l’on ne bâtit pas un État légitime sur une idée abstraite, encore moins sur une volonté technocratique.

Ce serait un État arbitraire et lointain dans lequel aucun peuple ne se reconnaîtrait.

Remplacement des frontières nationales par une multitude de frontières locales invisibles

. On formera de petites provinces là où il y avait de grands États avec autant de communautés crispées sur leurs égoïsmes locaux. On laissera les régions riches devenir toujours plus riches et les pauvres devenirs toujours plus pauvres.

La possibilité de conduire une politique économique qui nous soit propre.

Suffirait-il de constituer un grand ensemble intégré pour brusquement et sûrement accroître ses performances ? On en douterait au spectacle de grands ensembles existants qui périclitent ou se divisent. L’ancienne Union soviétique, la Chine, l’Inde sont-elles à ce point prospère qu’il nous faille à tout prix les imiter ?

Réduire les nations

Il y a des siècles que les échanges internationaux se développent et depuis 1945 ils ont enregistré une formidable progression, contribuant à la prospérité et à l’accroissement des niveaux de vie. A-t-on eu besoin pour cela de réduire le nombre des nations ?

Directives et règlements communautaires, contre sens économique

Redoutable contresens économique, d’ailleurs, que cette disposition à laquelle nous devons déjà des centaines et des centaines de directives et de règlements communautaires.

La monnaie unique qu’on nous propose maintenant est la conséquence logique de cette stratégie..
L’Europe Technocratique

On nous dit que la monnaie unique est la clé de l’emploi. On nous annonce triomphalement qu’elle créera des millions d’emplois nouveaux — jusqu’à cinq millions, selon M. Delors, trois ou quatre, selon le Président de la République. Mais que vaut ce genre de prédiction, alors que, depuis des années, le chômage augmente en même temps que s’accélère la construction de l’Europe technocratique ?

Comment peut-on penser en effet que la balance des paiements est en elle-même une contrainte économique bien réelle et croire qu’il suffit de ne plus libeller les transactions que dans une seule monnaie pour qu’elles s’envolent miraculeusement ?

Les conséquences de ce qui se prépare : conséquences économiques et conséquences politiques.

Conséquences économiques d’abord.
Il n’est de politique économique cohérente que dans la mesure où elle dispose de l’ensemble des moyens d’intervention sur l’économie : budget, fiscalité, actions structurelles en faveur des entreprises, monnaie. L’aliénation de notre politique monétaire entraîne donc l’impossibilité de conduire une politique économique autonome, processus que l’Union économique et monétaire reconnaît d’ailleurs, en le qualifiant joliment de « convergence ».

Politique Budgétaire
Quant à ceux qui voudraient croire qu’une politique budgétaire autonome demeurerait possible, je les renvoie au texte du traité, qui prévoit le respect de normes budgétaires tellement contraignantes qu’elles imposeront à un gouvernement confronté à une récession d’augmenter les taux d’imposition pour compenser la baisse des recettes fiscales et maintenir à tout prix le déficit budgétaire à moins de 3 p. 100 du PIB.

Enfin, et je souhaite insister sur ce point, la normalisation de la politique économique française implique à très court terme la révision à la baisse de notre système de protection sociale, qui va rapidement se révéler un obstacle rédhibitoire, tant pour l’harmonisation que pour la fameuse « convergence » des économies.

Il sera sans doute nécessaire de porter progressivement, comme le pensent assez raisonnablement, me semble-t-il, certains experts, le budget communautaire jusqu’à 10 p. 100 du produit national brut, c’est-à-dire huit fois plus qu’aujourd’hui. On n’imagine pas un budget de cette ampleur sans un contrôle politique. Cela ne s’est jamais vu. Il faudra donc bien qu’un Parlement européen vote le budget comme un parlement national et qu’un gouvernement, responsable devant lui, l’exécute. C’est ainsi que la nécessité budgétaire engendrera tout naturellement les organes fédéraux appelés à gérer un gigantesque système centralisé de redistribution à l’échelle de la Communauté

L’aménagement des Territoires
C’est ainsi que la France, qui ne trouve déjà plus les moyens de financer pour son propre compte une vraie politique d’aménagement du territoire et d’aménagement urbain, devra demain engager des ressources considérables pour financer l’aménagement du territoire de ses voisins !

La réalité, c’est que, le plus souvent, les empires sont nés avant les nations et non après elles. Certes, on peut trouver des régions où les nationalités s’entremêlent trop pour qu’il soit possible d’organiser des États mais, partout ailleurs, les ensembles transnationaux qui ont précédé les nations ont dû leur céder la place quand les peuples, enfin, ont revendiqué leur droit à disposer d’eux-mêmes, car il est clair, il est avéré que, dans l’histoire du monde, l’émergence des nations est allée de pair avec l’émancipation des peuples.

Et puis les nations sont bien loin d’avoir été la cause principale de nos épreuves. Force est ainsi de reconnaître que, dans notre siècle, plus de malheurs nous sont venus des grandes idéologies et des impérialismes dominateurs que des ambitions nationales.

Le sentiment national et la légitimité populaire
Qui ne voit, à la lumière de ce qui s’est passé lors de la crise du Golfe, que l’Europe de Maastricht, qui se serait probablement préférée plutôt rouge que morte en 1983, s’acceptera demain verte ou brune au gré des conjonctures, privée qu’elle est de ces garde-fous fondamentaux pour la démocratie que sont le sentiment national et la légitimité populaire

La crise profonde
La crise est une réalité profonde qui s’appelle nouvelle pauvreté, exclusion, ghettos, chômage, désespérance des jeunes, inégalités des chances, insécurité, déculturation, perte de repères, dérive du système éducatif.

Il serait vain et dangereux de continuer de répéter que la France se porte bien. Si l’on ne répond pas au désarroi des Français, ils continueront à se laisser aller vers les extrémismes et vers les intégrismes qui minent déjà le sentiment national. De renoncement en renoncement, nous avons nous-­mêmes contribué à détourner le peuple de la chose publique et à ruiner le sens civique.

la démoralisation de la nation
Il y a quelque chose de pourri dans un pays où le rentier est plus célébré que l’entrepreneur, où la détention du patrimoine est mieux récompensée que le service rendu à la collectivité.

Ce que cache la politique des comptes nationaux, ce que cache l’obsession des équilibres comptables, c’est bien le conservatisme le plus profond, c’est bien le renoncement à effectuer des choix politiques clairs dont les arbitrages budgétaires ne sont que la traduction

Cette Europe n’est au fond qu’une fuite en avant.
Il est illusoire de chercher ailleurs qu’en nous-mêmes les réponses à nos difficultés. Il est faux de penser qu’en mettant en commun nos problèmes nous allons miraculeusement les résoudre mieux, nous tous, Européens de l’Ouest qui, pris séparément, n’avons eu jusqu’à présent pour leur faire face ni la volonté ni l’imagination nécessaires.

Europe Illusion
Comment peut-on croire que l’intégration apportera une meilleure sécurité à un moindre coût — alors que la défense, c’est d’abord la volonté de se défendre ! — qu’elle permettra d’augmenter les salaires tout en produisant moins, que la libre circulation des chômeurs autorisera la réduction de leur nombre, que les finances publiques seront mieux gérées à onze ou à douze que dans le cadre national ? Il s’agit là de paris insensés ! D’autant plus insensés que le temps passe sans que personne ne cherche à résoudre des problèmes en voie d’aggravation rapide. 
Il faut dire qu’à force d’additionner une mauvaise conception de la décentralisation et l’affaiblissement délibéré de l’État, l’idée suivant laquelle la France n’est plus capable de se gouverner finit par acquérir quelque crédit. Est-ce là le fruit d’une stratégie politique ? Nul ne saurait le dire à coup sûr. Mais ce qui est certain, c’est que ceux qui ne voient plus d’autre solu­tion pour la France que de se fondre dans l’Europe intégrée et rétrécie de Maastricht sont précisément ceux qui préfèrent douter de la France et des Français plutôt que d’admettre que leur incapacité pourrait être seule en cause.

Pour combler le déficit démocratique, en fait, il faut rendre leurs prérogatives aux parlements nationaux.

Monnaie commune au lieu de la monnaie unique
On choisirait, je crois, l’efficacité contre l’idéologie.
Tout le reste est l’affaire de la coopération entre États. On observera d’ailleurs que ce qui fonctionne le mieux aujourd’hui en Europe se situe souvent en dehors de l’orbite communautaire, qu’il s’agisse d’Ariane espace, du GIE Airbus ou du CERN.

Indépendance européenne, la seule voie
Là est la voie, la seule voie d’une réelle indépendance européenne. J’oserai dire au passage que, dans les diverses célébrations de Maastricht, rien ne m’a choqué davantage que d’entendre quelques atlantistes patentés reprendre à leur compte la perspective d’une Europe indépendante, contribuant à un rééquilibrage politique et offrant un autre modèle au monde que le modèle actuellement dominant. Comme si cela était leur véritable objectif

Dette extérieure, apurage des compte
Et pour éviter que ne se referme une fois de plus le piège de la dette extérieure, peut-être faut-il admettre, pour apurer les comptes, que les créances publiques soient remboursées en monnaie locale et réinvesties sur place.

Bâtir l’Europe


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Il est temps de dire que bâtir l’Europe des Douze sur la peur obsessionnelle de la puissance de l’Allemagne est tout de même une bien étrange démarche, proche de la paranoïa. D’autant qu’à force de vouloir faire cette intégration à tout prix, on va finir par faire l’Europe allemande plutôt que de ne pas faire l’Europe du tout, ce qui serait un comble.

Il ne servira à rien de tenter de ficeler l’Allemagne. Car l’Allemagne, et c’est bien naturel dans sa position, et avec les moyens dont elle dispose, ne renoncera à sa souveraineté que si elle domine l’ensemble, certainement pas si elle lui est subordonnée.

Mais quelle est la France qu’on lui propose ? Quel est l’avenir qu’on lui dessine dans son propre pays ? Quelle est donc cette politique pitoyable qui, renonçant à faire vivre l’espérance nationale, se contente de faire miroiter à sa jeunesse l’attrait des grands espaces tout en n’étant pas capable de lui donner sa chance ? [Applaudissements.]

Au lieu de continuer à désespérer la jeunesse de ce pays, il faut enfin lui poser la question cruciale, que chacun élude soigneusement, la seule question qui vaille dans ce débat : Est-ce qu’on garantira plus aisément la paix, la prospérité, la démocratie, le bonheur, les conditions les plus favorables à l’épanouissement personnel et aux grands élans collectifs en renonçant à notre souveraineté ou bien en la préservant ?

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JJA